Pourquoi créer des emplois est une mauvaise idée

08-04-2014

1981, Mitterand prenait le pouvoir et toute une ribambelle d'enfants en profitait pour voir le jour. Je faisais partie du lot. Un peu plus de 30 ans et quelques enfants plus tard, nous voici en 2014. Il est temps de regarder où les joggings en peau de pêche, les Reebook Pump et les Mystérieuses Cités d'or nous ont menés.

Une jeunesse insouciante

Nous faisons partie de cette génération qui croyait encore qu'avoir un diplôme suffisait à avoir du travail. Travaille bien à l'école, décroche ton diplôme, trouve-toi un boulot et ta vie sera belle et heureuse. Ça a marché pour moi de 20 à 30 ans. Et puis « la crise » est arrivée. Premier gros évènement pour lequel je disposais d'assez de maturité pour ne pas le considérer comme un évènement dû à la fatalité.

Je me suis tout d'un coup rendu compte qu'on vivait dans un monde qui marchait sur la tête. L'humain n'a plus de valeur, seul l'argent en a. Contribuer à la société n'a pas de valeur à moins que ce soit encadré par un emploi et/ou mesurable par de l'argent. Nous n'avons jamais été autant connectés et pourtant, nous avons de plus en plus de mal à aller vers les autres.

Nos parents n'ont jamais eu à se demander comment ils trouveraient leur place dans ce monde : tout le monde avait un emploi et ceux qui n'en avaient pas l'avaient choisi. Il n'y avait pas de peur de se retrouver au chômage et d'être ainsi écarté de la société. Car c'est bien l'emploi qui, depuis de trop longues années, définit pour la plupart des personnes leur intégration dans la société. Tu as un emploi tu fais partie de la société, tu n'en as pas : tu vis à son crochet. C'était peut-être vrai du temps de nos parents, mais ça ne peut plus l'être maintenant.

Continuer à croire que ne pas avoir d'emploi c'est être un problème pour la société c'est se tromper de problème. Si on part du postulat que le manque d'emploi est un problème, on peut y trouver deux causes principales :

Je ne sais pas vous, mais moi, je connais peu de personnes qui n'ont pas d'emploi car ils sont fainéants. Ça doit exister, sans doute, mais vous admettrez que ce n'est pas la majorité. La majorité des chômeurs aimerait avoir un emploi.

On en vient donc à la deuxième possibilité, il n'y a pas assez d'emploi. Je pense que je ne vous apprend rien en disant cela. Et ce problème a deux solutions :

L'emploi à tout prix

Nous sommes ici face à un paradoxe. Les progrès techniques de ces cent dernières années nous ont permis d'automatiser un nombre considérable de choses. Le nombre d'emplois servant à couvrir nos besoins essentiels ne cesse de diminuer. Une comparaison du nombre d'agriculteurs du siècle dernier par rapport à aujourd'hui est suffisant pour s'en rendre compte (alors qu'il y a de plus en plus de bouches à nourrir). Nous ne créerons donc pas un nombre d'emplois significatif dans le futur pour couvrir nos besoins fondamentaux, les emplois actuels sont suffisants, nous produisons même trop de nourriture. Nous avons enfin accompli ce que nos ancêtres voulaient : ne plus avoir à travailler dur dans les champs pour se nourrir. Donc, si nous voulons créer des emplois, il faut créer des besoins qui n'existeraient pas sinon. C'est là qu'on commence à faire n'importe quoi.

On crée du besoin un peu partout. On vous fait miroiter le dernier objet à la mode, on vous fait croire qu'il est indispensable pour votre bien-être d'acheter tel ou tel truc. Tout ça pour quoi ? Pour produire plus et pour faire de l'argent, sans quoi les gens n'ont pas d'emploi et le système s'auto-détruit. Peu importe que cette production effrénée détruise la planète qui nous sert de maison. Peu importe qu'il soit évident pour tout le monde que les ressources de la Terre ne sont pas infinies : nous sommes trop occupés à scier la branche sur laquelle nous sommes assis.

Si l'on part du fait que créer de l'emploi est la solution aux problèmes actuels, on va droit dans le mur car on part implicitement du fait qu'il faudra créer du besoin. Et plus l'on créera du besoin, plus l'on créera des personnes qui se sentiront mal. Des personnes qui seront détachées de leur être et qui auront besoin de toujours plus pour être heureuses. Mais le gros souci, c'est que le bonheur ça ne s'achète pas. Ça ne vient pas de choses extérieures. Ça ne vient pas du comblement de besoins artificiels que la publicité a créés. Le bonheur, ça se construit d'abord à l'intérieur de soi-même. Éloigner les personnes de qui ils sont en leur créant des besoins artificiels, c'est les éloigner de plus en plus du bonheur.

Partant de là, je ne comprends donc pas pourquoi on s'acharne encore à créer plus d'emplois : ça ne peut nous conduire nulle part.

La nécessaire prise de conscience

On vient de voir que, dans un monde où nos besoins vitaux sont déjà comblés, créer plus d'emploi ne peut nous amener que vers moins de bonheur. Et je ne sais pas pour vous, mais pour moi, une vie sans bonheur n'a pas de sens. Quelle serait alors la solution ?

La solution pourrait venir d'une reconsidération de l'importance de l'emploi. Actuellement l'emploi est primordial car il est synonyme de revenu et donc d'existence. Si on détache le revenu (et donc l'existence) de l'emploi, on enlève son importance à l'emploi et on casse le cercle vicieux de la création du besoin. Comme le disait Einstein : « Vous ne pouvez pas résoudre les problèmes actuels avec les idées actuelles. Les problèmes actuels ont été créés par les idées actuelles. ».

L'idée serait alors de redistribuer les richesses créées grâce à l'automatisation pour combler nos besoins vitaux. Rien de neuf, mais il est permis d'y croire. Le seul fait de vivre nous donnerait le droit à un revenu suffisant pour exister. Ne pas avoir d'emploi car on a réalisé qu'il n'y en avait plus besoin serait une grande avancée. Ça n'empêcherait à personne d'en avoir un s'il le souhaite, mais ça empêcherait notre société d'aller droit dans le mur. Ça pourrait être un bon début non ?