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Pourquoi abandonner une croyance est-il si difficile et comment aider ?

Suite à mon précédent post sur le développement personnel j'ai reçu quelques réactions qui, je dois l'avouer, m'ont un peu chafouiné. En substance, elles disaient ceci : s'il a été assez bête pour croire à l'utilité du développement personnel, c'est qu'il est bête tout court. Je n'ai pas pu m'empêcher de ressentir une certaine honte, de me dire que quelque part c'était vrai. De me dire que j'aurais mieux fait de ne pas écrire ce post et de ne pas m'afficher « vulnérable » à la vue et au su de tout le monde. Et puis je me suis rappelé que ce sentiment de honte faisait partie du processus classique d'abandon d'une croyance. Venez avec moi, je vous explique.

La honte d'avoir été bête

Lorsque l'on se rend compte que quelque chose que l'on croyait est faux ou non valable au regard d'une nouvelle croyance et d'une nouvelle perception du monde que nous avons acquis, il est compliqué d'admettre que l'on a été assez « bête » pour pouvoir croire à quelque chose comme ça. C'est une des raisons pour lesquelles il est compliqué d'abandonner une croyance. Admettre que ce à quoi l'on croyait est faux revient à admettre que l'on a manqué de discernement pour s'en rendre compte. Cela peut même enclencher ce que l'on appelle une escalade d'engagement. Plus le risque de honte grandit, plus je m'engage intensément dans une croyance pour y croire encore plus, pour faire en sorte de me prouver encore plus fort qu'elle existe. Car sinon, ça serait la honte.

La honte de devoir admettre que la Terre est ronde alors que non. La honte de devoir admettre qu'en fait, on a vraiment été sur la Lune alors qu'on était sûr que non. La honte de devoir admettre que les vaccins sont efficaces alors qu'on a prêché le contraire. La honte de devoir admettre qu'on a cru a des trucs qui nous paraissent maintenant totalement improbables.

La perte sociale

Abandonner une croyance, c'est aussi et souvent abandonner de nombreux liens sociaux. Les personnes embrigadées dans une croyance quelconque, qu'elle soit religieuse, spirituelle, naturelle, pseudo-scientifique, new-age, ou je ne sais quoi encore ont souvent tissé des liens sociaux très forts autour de cette croyance. Nombre de personnes ont un métier qui tourne autour de disciplines pour lesquelles la démarche scientifique a prouvé qu'elles n'étaient pas plus efficaces qu'un placebo.

Elles ont aussi souvent des amis qui croient aux mêmes choses ou qui les pratiquent. Elles peuvent participer à des conférences dans le domaine, elles peuvent avoir une bibliothèque remplie entièrement de ces sujets. Il y a de grandes chances que ce soient des sujets partagés par une partie de la famille. En effet, on a généralement tendance à s'entourer de personnes qui croient plus ou moins les mêmes choses que nous.

Abandonner ces croyances serait, d'un point de vue social, délétère pour ces personnes. Ça peut vouloir dire perte de travail pour des astrologues, des magnétiseurs, des barreurs de feu, des homéopathes, des mediums et plein d'autres professions dont l'inefficacité au delà du placebo a été scientifiquement prouvée. Mais ça peut aussi vouloir dire perte d'amis, perte de liens familiaux, et pertes de liens divers et variés liés au domaine de la croyance. Ça serait très lourd de conséquence humainement.

La honte d'avoir fait croire

Il y a aussi une honte qu'il ne faut pas négliger, c'est la honte d'avoir fait croire aux autres. C'est prendre conscience qu'on a été un acteur de la diffusion de cette croyance que l'on a maintenant choisi d'abandonner. On a fait croire à d'autres, donc on a contribué à la désinformation et donc quelque part on se sent un peu responsable du fait que cette croyance soit adoptée par d'autres.

La dissonance cognitive : pourquoi les faits n'ont pas d'effet

Lorsque l'on est dans une croyance, nous venons de voir qu'en sortir voudrait à minima dire :

Donc lorsque vous dites à quelqu'un « mais si regarde ces preuves, c'est faux ce que tu crois ». Ce que vous dites vraiment est en fait « regarde ces preuves, c'est faux ce que tu crois, donc t'es bête, tu vas perdre tes liens sociaux et tu as induit des personnes en erreur »

Notre cerveau est bien fait et comporte des mécanismes de protection pour éviter de perdre la tête. Les faits qui contredisent notre croyance n'ont généralement aucun effet pour nous aider à ne plus croire. Ainsi, si l'on continue à croire en quelque chose qui s'avère faux c'est avant tout pour se protéger de ce que l'on appelle la dissonance cognitive. Deux « évidences » ne peuvent pas être vraies en même temps : puisque rejeter ce que l'on croit reviendrait à subir les conséquences décrites plus haut, il est plus sécurisant pour notre cerveau de rejeter les faits que l'on nous présente. Il faut choisir l'un ou l'autre pour résoudre cette dissonance et choisir de continuer à croire est plus sécurisant pour notre cerveau que d'admettre que l'on doit remettre une partie de notre vie en question.

Mais alors, t'es vraiment bête ?

Les croyances et l'intelligence n'ont pas grand chose à voir entre elles. Cela peut tous nous arriver de croire en des choses qui vont se révéler fausses par la suite.

Notre cerveau est bourré de biais cognitifs auxquels nous sommes tous sujets. Rentrer dans une croyance se fait généralement par un besoin de réponse à une douleur, une problématique, une souffrance psychologique (dont on n'est pas toujours conscient). C'est un processus très insidieux qui se développe petit à petit sans que l'on ne s'en rende compte. Une petite croyance amène à une autre croyance qui amène à une autre croyance. On peut alors se retrouver à croire des choses qui paraissent complètement absurdes de l'extérieur et qui pourtant nous paraissent évidentes.

Alors si vous êtes confronté à quelqu'un qui croit à quelque chose qui vous semble stupide, ça ne sert à rien de le confronter directement aux faits, sa dissonance cognitive sera trop forte et il s'en protègera en réfutant ce que vous lui présentez. Ça ne sert à rien non plus de le prendre pour quelqu'un de bête, ça n'a rien à voir et ça ne l'aidera pas.

Essayez juste d'être présent, de ne pas le juger, de le questionner sur pourquoi il croit ce qu'il croit, d'instiller le doute, de le faire parler, de l'interroger sur ses croyances en les respectant mais tout en affirmant que vous ne les partagez pas. Cela lui permettra, un jour, s'il en ressent le besoin de se tourner vers vous pour en discuter et peut-être pour changer d'avis. Il saura qu'il a déjà un possible soutien s'il devait abandonner sa croyance. Le plus important : essayer de garder le lien.

Ressources pour aller plus loin

Si le sujet des croyances, de l'esprit critique, de la méta cognition (pourquoi l'on pense ce que l'on pense) vous intéresse, je vous conseille ces fabuleux podcasts et chaînes Youtube :