Être homme et pleurer
J'ai toujours fait partie de ceux qui pleurent. D'aussi loin qu'il m'est possible de m'en rappeler, j'ai toujours pleuré.
- Je pleurais quand je n'avais pas une bonne note à l'école.
- Je pleurais quand je me prenais un but au foot.
- Je pleurais quand les autres pleuraient.
- Je pleurais devant les dessins animés comme Tchaou et Grodo et Bouba.
- Je pleurais pour m'endormir plus facilement.
Pleurer me faisait du bien, pleurer me connectait à mon corps, à mes sensations, à la partie de moi qui vibre.
Et puis, la réalité s'est rappelée à moi. À un moment, il semblerait qu'il faille être adulte et grandir. Les études, l'informatique, fonder une famille, avoir des responsabilités, tout ça ce n'est pas fait pour les pleureuses.
- Il faut ramener de l'argent à la maison pour payer le pavillon en périphérie.
- Il faut faire de belles études jusqu'à obtenir une thèse en informatique.
- Il faut travailler dans des startups à succès et lever des millions d'euros.
- Il faut gagner.
- Il faut surtout ne pas être faible, ne pas pleurer.
Il faut être un bonhomme, un mec, un vrai.
- Pas un truc qui pleure sans vraiment savoir pourquoi, mais qui sait que ça lui fait du bien.
- Pas quelqu'un qui trouve quand même ça super joli les levers de soleil.
- Pas quelqu'un qui trouve que pleurer sur de la musique est une des plus belles choses au monde (merci Ben Mazué, moi aussi je marche).
- Pas quelqu'un qui est capable de s'émerveiller du silence de la nature.
- Pas quelqu'un qui adore passer deux jours en silence à en pleurer de joie.
Et si, finalement, être adulte et homme c'était aussi et surtout accepter de vivre ses émotions ?
- C'était admettre que vivre des émotions tristes ou joyeuses est un cadeau de la nature.
- C'était admettre que nous ne sommes pas forts, parfaits et que c'est ce qui fait que nous sommes beaux.
- C'était faire de la place à la partie sensible qui nous habite tous.
- C'était faire de ce monde un monde plus connecté, plus vibrant.
Dans notre société qui prône le succès, la réussite, la startup nation, la domination de l'Homme sur la nature, permettre d'être sensible est un vrai acte militant et puissant.
Admettre au final qu'être homme, c'est aussi et surtout être sensible et vulnérable.
Chers hommes, laissez vos larmes couler car, j'en suis persuadé, elles rempliront les rivières qui nourriront vos enfants, plus que tout l'argent que vous serez capable de gagner.